lundi 11 mai 2015

Sac a main Après trois années à l’Elysée qui n’ont pas convaincu

Après trois années à l'Elysée qui n'ont pas convaincu, le Président a deux ans pour redresser la barre. Reste à savoir comment. ?Trois ans et après ?? Ce mardi au sous-sol de l'Assemblée nationale, les hollandais historiques, ministres et élus acquis à la cause du chef de l'Etat et qui espèrent encore sa possible candidature en 2017, se sont réunis pour remonter le moral des troupes et vendre un bilan qui, à leurs yeux, est toujours aussi dévalorisé dans le débat public. ?On cherche à montrer que, sur les questions économiques et sociales, la France se relève. Aujourd'hui, c'est cela l'enjeu?, a déclaré le fidèle d'entre les fidèles Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement et ministre de l'Agriculture. Fran?ois Hollande, qui fête cette semaine un double anniversaire (les trois ans de son arrivée à l'Elysée et les quatre mois des manifestations monstres du 11 janvier), avait théorisé un quinquennat en deux temps : le redressement, puis la redistribution. Le redressement n'est toujours pas là et risque de se réduire - dans le meilleur des cas - à une petite baisse du ch?mage fin 2016. Quant à la redistribution, elle sera au mieux limitée et ciblée, notamment sur ces Fran?ais qui se sont mis, souvent pour la première fois de leur vie, à payer l'imp?t sur le revenu à la suite des mesures fiscales du début du quinquennat. Alors Sac a main que faire des deux ans qui restent ? Un conseiller du chef de l'Etat refait le film : ?Il y a eu le temps de la réparation, le temps des réformes dans la justice sociale, maintenant c'est celui de la reconquête.? Comment ? ?Il faut mieux valoriser ce qu'on a fait et la récolte viendra?, poursuit-il. Comme s'il n'y avait plus qu'à moissonner ce qui a été semé. Comme s'il n'y avait pas grand-chose à attendre des deux prochaines années en matière de grandes initiatives. D'ailleurs, ce conseiller le reconna?t volontiers : ?C'est vrai que pour 2016 on ne sait pas trop… quoi faire.? Après avoir remarquablement géré les événements de janvier, Hollande est revenu pratiquement à la case départ. Même si son image personnelle s'est nettement améliorée, son action et son bilan sont toujours autant rejetés. Surtout, il a donné l'impression TN Requin de retomber dans ses travers : ceux d'un président qui raffole, au gré de ses déplacements et de ses interventions, commenter les prémices d'une reprise économique toujours aussi fantomatique pour le quotidien des Fran?ais. Un ministre particulièrement déprimé et inquiet sur le dénouement du quinquennat souffle : ?Hollande refait de l'économisme à tout va, c'est totalement suicidaire.? ?Fenêtre?. Le chef de l'Etat n'aura même pas profité de la préparation du congrès PS de Poitiers, début juin, pour amorcer une clarification idéologique de sa politique et un large rassemblement de sa majorité. Il s'est contenté d'arrimer Martine Aubry en lui promettant, notamment, une réforme fiscale dès 2016, qu'il ne fera finalement pas (lire page 5). Dans sa communication, Hollande continue de délaisser certains pans de son action (éducation, Requin Tn santé, justice…), précisément ceux qui donnent une identité de gauche à sa politique. Et comme les résultats en matière d'emploi et de croissance ne sont toujours pas là, ses électeurs sont perdus. Selon un sondage CSA (1), 60% de ses électeurs du premier tour considèrent que la politique du gouvernement ne peut pas se définir comme à gauche. Notre sondage Viavoice (voir ci-contre) confirme cette ?divergence? entre les aspirations des sympathisants de gauche et leur perception de l'action menée depuis trois ans. Mais le grand enjeu de cette seconde moitié de quinquennat réside paradoxalement en dehors de la sphère de l'économie. Hollande reconna?t en privé que même une forte baisse du taux de ch?mage ne sera pas suffisante pour gagner la présidentielle de 2017. Un ami fidèle du président analyse : ?C'est l'économie qui va mal ou la société qui va mal ? Aujourd'hui on constate que même quand le climat économique s'améliore, ?a ne repart pas… C'est bien le signe que la question de la confiance est beaucoup plus large.? Un ministre abonde : ?Après le 11 janvier, Hollande avait une fenêtre historique pour faire remonter tous les sujets qui angoissent la société fran?aise. Il ne l'a pas fait. J'ai très peur qu'aujourd'hui ce soit trop tard.? Tabous. Or la France va mal. Et beaucoup plus qu'elle ne le croit. Les élus de la majorité sont ressortis à la fois assommés par la défaite aux départementales et surtout abasourdis par ce qu'ils ont découvert pendant la campagne : des électeurs, y compris de gauche, qui revendiquent pour la première fois une inquiétante islamophobie et n'hésitent plus à assumer un vote Front national. Une étude vient conforter ce diagnostic. Dans cette note de la Fondation Jean-Jaurès (2), Jer?me Fourquet et Alain Mergier ont cherché à analyser l'impact des événements de janvier sur l'opinion. Leur conclusion est accablante : ?Nous décrivons une situation politiquement inquiétante. Aujourd'hui, la seule idéologie qui prend, dans tous les sens du terme, est une idéologie populiste. […] Cette prégnance n'est pas le fait de Marine Le Pen. Elle ne fait qu'occuper une place vacante.? Pour les deux chercheurs, trois ingrédients idéologiques sont ?entrés en émulsion? : ?La vulnérabilité individuelle, la mondialisation et l'immigration/islamisation.? Ils ajoutent : ?Cette machinerie tourne toute seule… Marine Le Pen n'a pas besoin d'en activer les engrenages. L'actualité l'alimente. Elle carbure aux événements.? Fran?ois Hollande a étrangement laissé son Premier ministre mettre des mots sur ces événements et y apporter des (petites) réponses. Un ministre se désole : ?Le vrai sujet, c'est qu'est-ce qu'il nous reste entre nous pour faire nation. C'est à Hollande de porter ces sujets. Il faut organiser et libérer cette parole, sinon elle va nous péter à la gueule.? Un collègue du gouvernement renchérit en faisant son autocritique : ?C'est comme si on avait internalisé la menace FN. On a peur de mettre certains débats sur la table uniquement par crainte de faire monter le vote frontiste.? Les tabous présidentiels sont devenus ceux du gouvernement : quelle définition donner à la la?cité ? Quelle place accorder à l'islam ? Doit-on revoir ou revendiquer notre politique migratoire ? Comment revitaliser une forme de fraternité républicaine ? Avec la suppression des menus de substitution dans les cantines et l'interdiction du voile à l'université, Nicolas Sarkozy est déjà parti dans une surenchère électorale. Fran?ois Hollande, lui, se tait et laisse dire. Un visiteur du soir est catégorique : ?Hollande sait très bien que la crise d'identité que traverse notre pays est le sujet du moment et celui de la future présidentielle.? Mais pourquoi alors l'absence totale d'initiative ? Notre interlocuteur lève les yeux au ciel : ?Il comprend. Il sent le problème. Mais il y a un manque de conviction… Et puis ce genre de sujets, ce n'est pas son dada.? Et il ajoute : ?Il faut bouger sinon c'est l'histoire d'une défaite annoncée.? (1) Sondage CSA pour Atlantico auprès d'un échantillon représentatif de 995 personnes entre le 28 et le 30 avril. (2) ?Janvier 2015 : le catalyseur?, Jer?me Fourquet et Alain Mergier, 5 mai 2015.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire